La pyramide des besoins humains : "Si, un jour, la célébrité vous tombe dessus comme la fiente d'un pigeon sur la tête..."
La pyramide de Maslow hiérarchise les besoins humains en cinq étages, débutant avec les plus basiques - physiologiques, comme boire, manger, dormir - pour s'achever avec l'accomplissement de soi.
Cette théorie, ébauchée dans les années 40 et conceptualisée dans les années 70, devient dans La pyramide des besoins humains, la base d'un nouveau jeu de téléréalité. Christopher, adolescent fugueur, a quitté son lotissement campagnard, fuyant un père violent et une mère évanescente, abandonnant son collège où tous les cours se confondaient en une pesante monotonie. Il trouve refuge dans un renforcement de porte, sur un carton, à Londres, quartier de Chinatown. Il se lie d'amitié avec Jimmy, compagnon de misère écossais. La drogue, l'alcool, la peur, les mauvais coups à éviter sont le quotidien des deux marginaux qui vivent dans un monde parallèle, presque invisibles pour les gens pressés, les mains remplies d'achats inutiles, les yaux rivés sur leur portable. "On vit sur notre planète, dans nos duvets, pas dans cette société numérique où tout passe à la vitesse de l'éclair." Dans leur univers gravitent des amputés de la vie, de Scratch-Scratch, toxicomane en décomposition, à Suzie, prostituée qui prend Christopher en affection. Cette ambiance évoque le Appetite For Destruction des Guns.
Un jour, Christopher découvre une publicité pour le jeu La pyramide des besoins humains. Il utilise quelques-unes des pièces glanées en mendiant pour se payer une connection au magasin d'informatique et s'inscrire... "parce que je suis désespéré." Son profil, ses rares photos énigmatiques et ses textes aiguisés lui valent - à lui, mais surtout à son avatar, légèrement vieilli - une immense popularité... mais comment vivre ainsi écartelé entre sa précarité et son étrange notoriété anonyme ? "Si, un jour, la célébrité vous tombe dessus comme la fiente d'un pigeon sur la tête, ne perdez pas de temps à vous pavaner derrière des lunettes de soleil : fuyez."
A la première personne, alternant entre le présent de la rue et son passé familial, le narrateur raconte son quotidien et les troubles, les bouleversements créés par sa participation au jeu. De belles fulgurances traversent le texte ("Il faut que je me secoue les puces. J'aime bien cette expression, comme s'il y avait de minuscules souvenirs collés à ma peau et que, en me remuant un peu, je pouvais les faire tomber.") comme des éclairs de vérité au coeur du monde factice des écrans, des réseaux, du buzz et des amis virtuels.
La pyramide des besoins humains
Caroline Solé
L'école des loisirs, 2015
125 pages.