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End of Time
4 février 2016

A l'intérieur du cerveau des Serial Killer

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Stéphane Bourgoin aime les chemises bariolées ("il faut de la couleur dans la vie") et les chaussettes amusantes, ornées d'animaux ou de personnages. Il fait salle comble, partout où il passe, récemment à Dainville, où une partie du public a dû s'asseoir par terre, et à Nancy, avec 700 personnes pour 400 places dans l'amphithéâtre de la Faculté de Droit. Il donne des conférences sur... les serial killers, dont il est l'un des spécialistes mondiaux et sur qui il a écrit une quarantaine d'ouvrages. Ce sujet fascine, surtout les femmes qui constituent les deux tiers de son auditoire. "Elles sont souvent les victimes de ces créatures, c'est peut-être pour ça. Elles sont aussi plus portées sur la psychologie que les hommes."

Bonhomme, d'une grande aisance, le sourire aux lèvres, il décrit les sévices infligés par les tueurs en série avec précision et méticulosité, fait référence aux "stars" de la profession comme Jeffrey Dahmer, capable de trépaner vivant sa proie à la perceuse, ou le cannibale canadien Luka Rocco Magnotta. Ses prestations sont centrées sur la projection de documentaires constituées d'entretiens avec ces assassins ; il a participé ou réalisé une centaine d'émissions pour la télévision, la première en 1990 pour FR3. Après un générique grandiloquent, destiné à instiller la peur chez le spectateur en insistant sur sa proximité géographique ou situationnelle avec les victimes, l'émission, rythmée par une musique angoissante et force gros plans sur le visage du "monstre", donne la parole au meurtrier, qui explique ses gestes, ses pulsions, son évolution.

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La diffusion terminée vient le temps des questions/réponses, exercice où brille particulièrement Stéphane Bourgoin, qui n'hésite pas à se mettre en valeur, à insister sur sa dernière production et à raconter son histoire.
Autodidacte, il s'est intéressé aux serial killers après le meurtre de sa femme, mutilée et violée en Californie en 1976. Le coupable, arrêté en 1978, a avoué dix autres crimes "totalement gratuits". Dès lors il se passionne pour ce phénomène. "J'ai écumé les bibliothèques, dont celle de Stanford, mais je n'ai rien trouvé sur le sujet. Même le terme "serial killer" n'existait pas !" se remémore-t-il. Aidé par l'inspecteur du LAPD qui avait enquêté sur le meurtre de sa compagne, il  commence à interviewer les tueurs en série. Depuis 1979 et sa rencontre avec Richard Chase, le Vampire de Sacramento, "qui restait parfois 15 minutes à me fixer, sans parler et qui m'a annoncé son suicide", il en a interrogé 77, aux USA, en Afrique du Sud, en Argentine, au Mexique, en Russie, en Ukraine...Et en France ? "Bien sûr, mais uniquement dans le cadre des formations de la Gendarmerie Nationale. Je n'ai pas le droit d'en parler, ni même de donner leur nom." Sa dernière "rencontre" remonte à deux ans et il prévoit d'en voir huit autres à la fin de l'année. Il noue le contact avec eux en leur écrivant et "en en disant le moins possible. Dans les deux tiers des cas, je suis recommandé par un policier. Il faut ensuite obtenir les autorisations du tueur, de ses avocats, de l'administration pénitentiaire."  Pourquoi ces meurtriers acceptent-ils de le rencontrer ? "Ils sont dans des établissements de très, très haute sécurité où ils reçoivent très peu de visites. Ils ont un désir de toute-puissance, de contrôle. Ils veulent manipuler leur interlocuteur. Ainsi je ne porte jamais de jugement sur eux ; j'essaie de créer un lien avec un individu sans affect, de devenir son ami, son confident. Il y a aussi, souvent, une pulsion sexuelle : quand ils racontent leur crime, sans rien cacher, ils le revivent et ressentent une jouissance." Parfois, la discussion est houleuse : "Il me faut parfois les mettre en colère pour obtenir ce que je veux. A Sing Sing, j'ai été étranglé, je me suis évanoui... et le cameraman m'a sauvé en frappant mon agresseur avec son pied de caméra. En Floride, un détenu m'a craché dessus pendant trois jours... et m'a répondu le quatrième jour !" Durant l'entretien, il est attentif au vocabulaire et à la communication non verbale de son interlocuteur. Quand il lui est demandé quel tueur l'a le plus marqué, il convoque sans hésiter Gérard Schaeffer, le "héros" de son dernier ouvrage Sexbeast (critique à venir). Il cite alors, de tête, au mot près, l'introduction de son livre ! Il l'a rencontré le 18 novembre 1991, "je m'en souviens très bien, j'étais terrifié" et, derrière le sourire et la cordialité de l'homme il a senti "le mal absolu, une aura maléfique." La rédaction achevée, l'auteur a eu besoin, pour la première fois de sa carrière, de parler à un psy. "Je ne l'ai jamais sorti de ma peau."
Devenu très vite une référence mondiale, Stéphane Bourgoin, farouchement opposé à la peine de mort, collabore avec de nombreux services de police. "Dans les années 1980, j'ai lu une interview du patron du FBI dans le New York Times. Je l'ai contacté et lui ai proposé des copies de mes entretiens - je les filmais depuis le début des années 1980. Il a été d'accord et, en échange, j'ai pu suivre, à Quantico, une formation de profiler de deux fois six mois. Je pense être le seul "civil" à avoir eu cet honneur ! J'ai pu ainsi commencer à me créer un réseau, qui compte maintenant près de 10000 personnes - policiers, magistrats, légistes..." Il a ensuite travaillé à la formation des gendarmes pendant 13 ans à l'Ecole Nationale de Fontainebleau et oeuvre avec l'association Victimes en série. Ses conseils sont recherchés par les enquêteurs.
En conclusion, un petit Slayer pour la route ; le meilleur morceau jamais écrit sur un serial killer ?

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