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4 mai 2015

"Je n'écrirais pas un tel livre tous les jours"

Mercredi 29 avril, Pascal Dessaint sait que son roman Le chemin s'arrêtera là est le lauréat 2015 du prix Amila-Meckert. Après l'avoir retrouvé à 9 heures à son hôtel, nous sommes allés au Georget pour une longue discussion autour d'un café.

 

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Qu'avez-vous ressenti lorsque vous avez appris que vous receviez le prix Amila-Meckert ?

C'est comme une consécration ! Ce prix a pour moi un sens particulier ; il récompense une démarche et certaines idées. Le roman de Jean Meckert Les coups a été un choc absolu. Cet auteur est issu comme moi d'une culture ouvrière et abordait des sujets délicats, complexes, sous une forme moderne et percutante. Je suis fier d'être dans son sillage.

Vous avez déjà reçu de nombreux prix...

Je n'en avais pas eu depuis longtemps ! La bête n'est pas morte ! Comme beaucoup de titres sont publiés, un éclairage est nécessaire pour avoir une reconnaissance, c'est à dire pour que l'on puisse reconnaître votre livre. De plus, le Prix Meckert n'est pas attibué par un jury composés uniquement de spécialistes mais par des gens issus de la société civile ou des militants. Cette variété est dangereuse pour l'auteur : il faut convaincre ! Obtenir ce Prix est d'autant plus savoureux...

Dans « Le chemin s'arrêtera là », le paysage tient un rôle important...

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L'histoire se passe sur la digue du Braek, à Dunkerque. Ce lieu, là où se trouve le terminal méthanier, n'est plus accessible. En 2011, avec le photographe Philippe Matsas, nous nous sommes rendus sur des friches ferroviaires et industrielles du Nord – Pas de Calais, pour le livre Les voies perdues. Nous avons passé une nuit au carnaval de Dunkerque puis nous sommes allés sur cette digue, que je connais depuis mon enfance. C'est là où j'ai découvert la beauté de la nature, où j'ai eu mes premières émotions d'ornithologue. Il m'est alors apparu comme une évidence que ce décor était celui d'un roman. J'ai vu cette maison, sans toit, et j'ai imaginé que ce toit était encore là...

Vous décrivez un univers sinistré.

La région est très abîmée, même si certains veulent parfois en montrer un aspect plus joyeux. C'est un saccage industriel, avec des usines fermées, des ouvriers laminés, traumatisés, assomés, des gens laissés sur le bord du chemin. On malmène les hommes ; on s'en sert puis on les abandonne.

Ce sont ces hommes qui peuplent vos romans.

Mes personnages sont dans un état désordonné, dans leur vie, dans leur tête ; ils sont particulièrement gratinés.

Est-ce difficile de créer de tels personnages ?

J'ai un peu connu la réalité des trois adolescents du roman. Il y a une grande part de vécu, avec des sentiments vraiment éprouvés. Je puise très profond en moi. Ce n'est pas simple, c'est douloureux. Et leur réalité sociale est d'une vraie noirceur. Je n'écrirai pas un livre comme ça tous les jours !

Êtes-vous fidèle à la réalité ?

Non, je m'inspire d'un événement. C'est la liberté de l'auteur. Je ne relate pas les choses telles qu'elles ont été vécues. C'est l'idée qui est importante. ce que j'écris, c'est une métaphore.

Verriez-vous ce livre adapté au cinéma ?

Il serait idéal pour certains cinéastes, comme les frères Dardenne, Philippe Lioret ou Bruno Dumont. Je serais curieux de voir ce que ça donnerait, de découvrir les choix, le regard d'un réalisateur. Adapter est compliqué, c'est la concrétisation d'une lecture personnelle, c'est fascinant, voire déconcertant. Parfois je suis dérouté par la lecture de mes lecteurs. La lecture change en fonction de la situation du lecteur ; on lit tous d'une certaine manière.

Rencontrez-vous parfois des lecteurs qui ont vécu ce que vous racontez dans vos romans ?

Oui. Ils m'abordent souvent avec pudeur, avec précaution. Beaucoup de gens me disent : "c'est comme ça..." Je pense qu'ils ont envie d'oublier, de tourner la page car c'est très douloureux, c'est une réalité à ne pas revivre, un traumatisme social.

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